Les petits caprices à table

Par Mélanie Magnan, Nutritionniste pédiatrique 

Je me revois m’exclamer (lire me vanter) que mon bébé mangeait du tofu, des légumineuses et du poisson. Je me pétais les bretelles en expliquant, à qui voulait l’entendre, ma recette du succès. Si vous m’aviez dit que j’entrerais dans le « team ketchup » lorsqu’il aurait trois ans JAMAIS je ne vous aurais cru. C’est pourtant la vérité! Mon trois ans met rudement à l’épreuve mes compétences de mère ET de nutritionniste! Mais vous savez quoi? C’est normal! Le ¾ des enfants âgés entre 2 et 10 ans traversent une période de néophobie alimentaire!

Ça mange quoi en hiver la néophobie? C’est une étape normale du développement du goût caractérisée par le sentiment de peur qu’éprouvent les enfants lorsqu’on leur présente un nouvel aliment. Pendant cette période, les enfants ont tendance à trier, examiner, grimacer, recracher ou même carrément refuser de goûter aux nouveaux aliments qu’on leur présente. Certains vont même décider qu’un aliment est mauvais sans même y avoir goûté.

Les déclencheurs de la néophobie peuvent varier. Bien qu’on l’associe souvent à la phase du « non », vers 2 ans, ou lors de la période de recherche d’autonomie, « vers 3 ans », on peut aussi y faire face plus tard, surtout en période de changement. Par exemple, un enfant qui commence à fréquenter un service de garde, qui rentre à l’école ou qui déménage, peut, via ses choix alimentaires, essayer de stabiliser sa vie en refusant toute nouveauté alimentaire.

On gère ça comment? On respire et on se répète que notre enfant n’est pas difficile, mais qu’il traverse une étape normale de son développement. On ne panique pas et on essaie de mettre en place différentes stratégies pour favoriser la prise alimentaire de nos petits!

Stratégie #1 : On favorise un contexte de repas positif

C’est-à-dire qu’on mange en famille et qu’on donne l’exemple à table. On garde en tête qu’on sert de modèle à nos enfants et qu’ils apprennent par imitation. Ainsi, si on sert du poisson un soir, mais que papa refuse d’en manger, les enfants comprendront que c’est acceptable. Papa pourrait à la place dire « Je n’aime pas beaucoup le poisson, mais je vais en prendre un peu pour y goûter ». On profite aussi du repas pour parler des aliments et pour les qualifier. On encourage nos enfants à nous dire pourquoi ils dédaignent un aliment en utilisant les bons mots plutôt que des « c’est dégueu ». Par exemple, je pourrais dire à mon fils « J’aime moins les tomates lorsqu’elles sont crues, car je les trouve gluantes. Par contre, je les aime beaucoup lorsqu’elles sont cuites ». On tente d’éviter de dire qu’on « aime pas » un aliment puisqu’on offrirait une porte de sortie trop facile.

 

Stratégie #2 : On garde en tête que nous sommes les chefs de famille et que c’est le chef de famille qui décide de ce qui est offert du repas

Pas question de tomber dans le piège de cuisiner un repas spécialement pour un membre de la famille (enfant ou non). On ne se rabat pas non plus sur des céréales ou une rôtie au beurre d’arachides. Chacun doit apprendre à composer avec les goûts du reste de la famille. Une journée on sert du poisson parce que maman aime cela, une autre journée des mets mexicains parce que papa les adore et une autre fois du spaghetti parce que coco en raffole.

Question que tout le monde mange un peu, on s’assure tout de même d’offrir des accompagnements qui plaisent à tous. Par exemple on peut placer du pain et des crudités sur la table. Votre enfant se sentira en sécurité dès qu’il verra des aliments familiers sur la table. Ne le forcez pas à goûter au nouvel aliment. Le fait de simplement l’accepter près de lui ou dans son assiette est acceptable.

 

Stratégie #3 : On fait preuve d’une patience d’or

On ne se décourage pas et on continue à offrir de nouveaux aliments et à inviter notre enfant à y goûter malgré ses refus. On adopte un comportement sans pression et on essaie de favoriser une ambiance calme et agréable aux repas. On profite de ce moment pour discuter de tout et de rien sans mettre trop d’emphase sur les aliments. On garde en tête que ça peut prendre 10, 15, voir même encore plus d’expositions à un aliment avant que l’enfant accepte d’y goûter. On se répète qu’une exposition n’est pas synonyme de manger le nouvel aliment! On gagne déjà des points si notre enfant ne fait que le regarder ou le toucher du bout de sa fourchette! Finalement, on évite à tout prix le camouflage alimentaire. L’enfant doit savoir ce qu’il mange, car il pourrait ne plus nous faire confiance s’il découvrait nos magouilles.

 

Stratégie #4 : On utilise notre jugement

Notre enfant n’a pas besoin d’être un fin gastronome à l’âge de 2 ans. Oui on essaie de l’exposer aussi souvent que possible à de la nouveauté, mais sans exagérer. Rien ne sert de lui proposer un nouvel aliment s’il est trop fatigué ou de mauvaise humeur puisqu’on souhaite que ses découvertes alimentaires soient agréables!

 

Stratégie #5 : On s’interdit de tomber dans le piège du chantage ou du système de récompenses

Ces systèmes risquent de brouiller les signaux de faim et de satiété de l’enfant. En voulant bien faire en demandant à notre enfant de prendre une ou deux bouchées de plus, on lui apprend malheureusement à faire fis de ses signaux corporels. On se promet de faire confiance à notre enfant!

 

Stratégie #6 : On inclut le dessert aux repas, peu importe ce qui se passe

Si notre enfant refuse son assiette, on lui offre malgré tout le dessert. S’il a encore faim, on lui offre à nouveau son assiette. On tente d’offrir au cours de la semaine une variété dans les desserts. Par exemple, on pourrait offrir des fruits ou du yogourt la plupart du temps et quelques fois un biscuit maison. Dans le fond, l’ordre dans lequel on sert les aliments n’a aucune importance et comme on le dit souvent, l’appétit vient en mangeant! Souvent l’enfant acceptera de manger son assiette après avoir mangé son dessert…

 

Stratégie #6 : On garde en tête les rôles de chacun…

Le parent a la responsabilité du QUOI et du QUAND. C’est-à-dire qu’il a la responsabilité d’offrir une alimentation de qualité à son enfant selon un horaire régulier (3 repas et 2 à 3 collations par jour). C’est aussi lui qui décide du OÙ, donc du lieu de prise de repas.

L’enfant a la responsabilité de décider S’il mange et QUELLE QUANTITÉE il mange. C’est son choix de refuser de manger à un repas. S’il n’a pas touché à son assiette après 20 minutes, on lui retire simplement. Par contre, il ne faut pas tomber dans le piège de lui offrir une collation aussitôt qu’il sera sorti de table. Il doit savoir que la collation reviendra par exemple 3h après le repas.

 

Stratégie #7 : On les inclut dans la cuisine!

Beaucoup d’enfants refusent de goûter un nouvel aliment simplement parce qu’ils ne le connaissent pas et qu’ils sont intimidés. En cuisinant avec eux et en les faisant participer à la préparation des repas, les aliments deviendront beaucoup moins inquiétants! Vous risquez même de surprendre votre coco à goûter à la farine ou au sel. Rappelez-vous que tout est nouveau pour eux!

J’espère que ce billet aura su vous réconforter. La néophobie est normale et passagère! Il faut s’armer de patience et passer au travers! Pour en savoir plus, n’hésitez pas à me contacter pour participer à mes ateliers sur l’alimentation des enfants dans lesquels je passe en revue les besoins nutritionnels de l’enfant avant de vous donner encore plus de trucs et d’astuces!

Mélanie Magnan, nutritionniste en pédiatrie et fondatrice de Nutrimini
www.nutrimini.com
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